Emprunter de l’argent à sa propre société semble une chose des plus intéressantes. Encore plus lorsque l’activité s’avère florissante. Toutefois, avant d’adhérer à cette pratique, il convient de s’assurer s’il est bien légal pour un dirigeant ou un associé d’emprunter de l’argent à la société, dont ils font partie.
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comparerEmprunter de l’argent à sa propre société : une pratique interdite selon la loi
Aussi séduisante que soit l’idée d’emprunter une certaine somme à son entreprise, cela se révèle malheureusement illégal. En effet, le Code de commerce se prononce sur le sujet avec l’article L. 223-21. Ce dernier stipule :
« Sous peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants ou associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Cette interdiction s’applique aux représentants légaux des personnes morales associées.
L’interdiction s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées à l’alinéa précédent ainsi qu’à toute personne interposée.
Toutefois, si la société exploite un établissement financier, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales. »
Les dirigeants ne doivent pas bénéficier d’un prêt venant de la société de manière directe ou indirecte. L’interdiction reste d’ailleurs valable, quelle que soit la durée de l’emprunt. Néanmoins, les actionnaires non dirigeants de la société échappent à celle-ci.
Que se passe-t-il si les dirigeants empruntent tout de même ?
Face à l’interdiction du dirigeant d’emprunter de l’argent à sa société, on peut se poser une question. Pourquoi un gérant ou un associé a-t-il la possibilité de participer à la trésorerie de la personne morale et pas l’inverse ?
À titre de rappel, une personne physique qui contribue à la trésorerie d’une société effectue un apport en compte courant. Cette action se traduit comme suit :
- Les sommes prêtées par l’associé vont dans un compte 455xxx au crédit qui lui est dédié
- L’associé peut demander à tout moment le remboursement de son compte courant
- Au niveau de la comptabilité de la société, on constate une entrée de trésorerie au débit pour le montant reçu
- Une dette apparaît au crédit et au passif du bilan dans un compte courant d’associé 455xxx
Par contre, lorsque c’est une société qui octroie un prêt à un dirigeant ou à un associé, on constate :
- Une sortie de trésorerie au crédit
- Une créance au débit via le compte 455xxx (le compte devient débiteur)
Les conséquences d’un compte courant débiteur
Vous savez certainement que la responsabilité d’un associé se limite généralement au montant de ses apports. Néanmoins, avec un compte courant débiteur, son niveau de responsabilité est susceptible de changer. Plusieurs raisons peuvent alors amener un compte courant à devenir débiteur :
- Votre société finance vos vacances
- Elle vous paie une nouvelle maison
- Elle finance un projet personnel
En outre, sachez que le fait pour un dirigeant ou associé d’emprunter un montant supérieur à leurs apports constitue un délit. Ce dernier se qualifie d’abus de biens sociaux. L’infraction est ainsi passible d’une amende de 375 000 € et d’une peine d’emprisonnement de 5 ans. Dans l’éventualité d’une liquidation judiciaire laissant paraître une insuffisance d’actif qui serait due à une faute de gestion, la responsabilité du dirigeant serait en plus engagée. En effet, il peut se voir condamner à combler le passif et à régler les dettes de la société. Par ailleurs, en cas de contrôle fiscal, la somme empruntée sera considérée comme un revenu distribué pour le dirigeant associé. Par conséquent, il devient imposable sans abattement.
Peut-on rembourser l’argent octroyé par la société ?
Que le remboursement de la somme emprunté se fait avant la fin de l’exercice comptable ou avant l’intervention du commissaire aux comptes, les conséquences restent les mêmes. L’emprunt est qualifié de délit dès lors que le solde du compte courant d’associé est débiteur. Cependant, procéder au remboursement très rapidement permet dans certains cas d’éviter les sanctions.
Notez également que le commissaire aux comptes doit dénoncer la présence d’un tel délit au Procureur de la République. Cette obligation de révélation est tenue par l’article L. 823-12 du Code de commerce :
« Les commissaires aux comptes signalent à la plus prochaine assemblée générale ou réunion de l’organe compétent les irrégularités et inexactitudes relevées par eux au cours de l’accomplissement de leur mission, et, lorsqu’ils interviennent auprès d’une entité d’intérêt public, l’invitent à enquêter conformément aux dispositions de l’article 7 du règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil.
Ils révèlent au Procureur de la République les faits délictueux, dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation. »
Emprunter de l’argent à sa propre entreprise : une possibilité réelle
Dans les structures comme l’EI (Entreprise Individuelle), l’EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) ou la microentreprise, il n’existe pas de notion de compte courant. À vrai dire, les patrimoines de l’entreprise et du dirigeant ne sont pas dissociés. Le concept de prêt et de remboursement entre ces deux patrimoines est étranger à ces types d’entreprises. Par conséquent, le dirigeant est libre de se servir dans la trésorerie de son entreprise. Et ce, quand il le souhaite et sans que cela entraine une quelconque formalité. D’ailleurs, les cotisations sociales dues seront calculées sur le bénéfice annuel.
Les sociétés civiles immobilières aussi peuvent proposer un prêt aux dirigeants et associés. Aucune disposition ne les en empêche en effet d’agir de la sorte. Cependant, elles doivent rester vigilantes en réalisant certaines formalités. Notamment, lorsqu’il s’agit de demander et d’obtenir l’aval de l’assemblée générale ainsi que de stipuler des intérêts.
Si l’emprunt d’argent est interdit entre société et personne physique, tel n’est pas le cas entre deux personnes morales. Plusieurs conditions doivent cependant être respectées conformément à la Loi Macron.