Une enquête exclusive de l’IFOP pour Compte Pro
Au travail, il n’y a pas que le travail. Et fort heureusement. Car les liens plus ou moins forts que l’on tisse avec certains de ses collègues permettent de mieux vivre le temps conséquent que l’on consacre chaque semaine à sa vie professionnelle. C’est l’un des enseignements forts de l’enquête que Compte Pro a confiée à l’IFOP sur les sujets de conversation et les relations amicales en entreprise.
Réalisée auprès d’un millier d’employés des secteurs privé et public, cette étude montre en effet l’importance des « work bestie », comme les nomment les Anglo-Saxons, ces relations amicales qui permettent à plus de 8 salariés sur 10 d’atténuer la pénibilité de leur tâche au bureau ou à l’usine. Proximité qui n’est toutefois pas sans conséquences car jalousie et rivalité font également partie, les résultats de ce sondage en attestent, du quotidien de la vie en entreprise.
Le second volet de l’étude menée par l’IFOP traite de la question des discussions sur le lieu de travail. Parmi les nombreux sujets qui s’invitent à la machine à café ou à la cantine, certains sont fréquents et anodins, à l’exemple de la météo ou des transports, mais d’autres apparaissent bien plus sensibles, à l’image de la rémunération, considérée comme taboue par 68% des personnes interrogées et 75% des managers… quand bien même elle est régulièrement abordée entre collègues.
En revanche, qu’il s’agisse de la politique de l’entreprise, du comportement et des compétences de certains collègues ou encore du favoritisme exercé par l’encadrement, l’art de la critique occupe une place de choix au cœur des sujets de discussion préférés des salariés.
L’amitié pour support
Une nette majorité des personnes interrogées se montrent favorables à l’idée de créer des liens étroits d’amitié avec leurs collègues de travail. Ainsi, 82% pensent que de telles relations peuvent contribuer à « oublier » la pénibilité du travail, et près de 7 salariés sur 10 (69%) estiment même que l’entente avec leurs collègues prime sur le travail en lui-même. En outre, cette proximité est pour 60% des salariés de nature à susciter une solidarité bénéfique pour faire valoir ses revendications auprès du management.
Si 81% des personnes interrogées considèrent qu’il est tout à fait possible de conserver ces liens en dehors de la sphère de l’entreprise, 40% sont toutefois d’avis qu’il est préférable de ne pas devenir ami avec des collègues afin de maintenir une frontière nette entre vie privée et vie professionnelle.
« Work bestie » et jalousies
74% des salariés déclarent avoir un ou une collègue préféré(e) avec qui ils s’entendent particulièrement bien, au point pour la moitié d’entre eux (52%) d’aborder en sa compagnie des sujets personnels. En l’espèce, les femmes qui entretiennent ce type de relation au travail sont sensiblement plus nombreuses que les hommes à se livrer : 61% d’entre elles le font contre 44% parmi la gent masculine. Un(e) salarié(e) sur 10 (11%) indique par ailleurs ne jamais avoir eu de « work bestie » au travail.
Si les liens privilégiés entre collègues sont majoritairement bien vécus, ils peuvent aussi être source de tensions. Ainsi, 46% des salariés ayant un(e) « meilleur(e) ami(e) » au travail déclarent que cela a suscité par le passé des sentiments de jalousie ou de rivalité de la part de leurs autres collègues.
Cette situation semble même relativement fréquente puisque 50% des hommes disent avoir déjà ressenti ce type de tensions contre 41% des femmes. Les managers y sont plus confrontés que celles et ceux n’occupant pas de fonction d’encadrement : 57% d’entre eux disent qu’ils ont déjà vécu cette situation.
Salaire tabou
Interrogés sur les sujets considérés comme tabous au sein de leur collectivité professionnelle, une très large majorité des salariés (68%) citent en premier lieu le montant des salaires. C’est le cas pour les trois quarts des managers (75%) que leur position hiérarchique place, il est vrai, au cœur de la fixation des rémunérations et primes dans l’entreprise.
Après l’argent, ce sont les relations sentimentales et sexuelles entre collègues qui sont proscrites des discussions pour plus de la moitié (52%) des personnes interrogées par l’IFOP. Le sujet embarrasse plus particulièrement les hommes (56% contre 49% des femmes) et les managers (61% contre 49% des non-managers).
S’ils ne rassemblent pas la majorité des répondants, les autres items abordés dans cette étude génèrent toutefois une retenue au cœur de l’entreprise : c’est ainsi le cas pour les questions de religion et de laïcité (46% les jugent taboues), les questions d’immigration (45%) ou encore le conflit israélo-palestinien (43%).
Dans la longue liste des sujets soumis aux salariés, un seul gêne plus les femmes (41%) que les hommes (37%): la fréquentation des toilettes pour aller à la selle. Un résultat qui fait écho à une autre enquête menée en 2022 par l’institut de sondage sur le « poop shaming » au travail, dans laquelle les femmes se montraient bien plus sensibles que leurs homologues masculins à cette question.
Météo et conditions de travail
Passe-partout, sans enjeu et quotidiennement renouvelée, la météo arrive en tête des conversations entre collègues. Près de 8 salariés sur 10 (78%) parlent ainsi de la pluie et du beau temps dans leur espace professionnel. Ils sont quasiment aussi nombreux (77%) à évoquer leurs conditions de travail, la répartition des plannings (76%) et la répartition des tâches au sein des équipes (76%).
Si une large majorité des personnes interrogées estime que la question des rémunérations est taboue dans l’entreprise, le sujet n’est pas pour autant absent des échanges puisque 64% indiquent qu’il leur arrive de l’évoquer entre collègues.
Au cœur de l’actualité durant plusieurs années et toujours présente en filigrane, la question de la Covid-19 et ses conséquences en termes sanitaires et d’organisation fait, elle aussi, partie des thèmes de discussion pour plus de 7 salariés sur 10 (73%).
Touchant aux domaines politique ou religieux, certaines questions plus « sensibles » sont certes moins fréquemment au cœur des conversations, mais en font toutefois partie pour un nombre non négligeable de travailleurs et de travailleuses. Ainsi, il arrive à 54% d’aborder les problématiques liées au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations, à 47% de donner leur avis sur les religions ou encore à 42% de donner leurs opinions politiques.
Bien que considérés comme délicats, la plupart des thèmes « tabous » sont en réalité très largement abordés au sein des entreprises. Ainsi, 89% des personnes interrogées ont déjà discuté de sujets professionnels sensibles et 85% évoqué l’une ou l’autre des questions jugées clivantes.
Sujets de frictions
Quand bien même elles ont lieu en dépit de leur caractère « touchy », certaines discussions peuvent avoir des conséquences concrètes sur l’ambiance au travail. Si la météo ou les transports en commun ne sont pas de nature à générer des tensions entre collègues, d’autres sujets engendrent à l’évidence quelques frictions.
En l’espèce, les sujets directement liés à la vie professionnelle sont les plus susceptibles de créer de telles situations : 26% des répondants citent la répartition des tâches au sein des équipes, 26% également pointent le favoritisme du manager envers certains collègues quand 23% mettent en exergue le montant des rémunérations. Globalement, plus de 4 salariés sur 10 (42%) disent que l’un ou l’autre de ces thèmes de conversation ont été sources de tension.
En revanche, les questions dites « politiques » ne semblent guère de nature à envenimer les échanges au sein de l’entreprise. Pourtant source de grands débats dans la société française, notamment entre pro et antivax, la crise sanitaire de la Covid-19 n’est ainsi mentionnée que par 16% des répondants. Les autres items – racisme, sexisme, émeutes ou encore conflit israélo-palestinien – n’ont créé des tensions au sein des discussions que pour environ un(e) salarié(e) sur dix.
Potins et critiques tous azimuts
À la machine à café, à la cantine ou bien de bureau à bureau, les potins relatifs à la vie de l’entreprise sont au cœur des conversations. Près de 7 personnes interrogées sur 10 (69%) disent en effet qu’il s’agit là d’un sujet qu’elles aiment aborder avec leurs collègues. Et lorsque les langues se délient, elles sont souvent acérées : 66% des répondants aiment critiquer la politique de l’entreprise, 63% les décisions de leur manager et 60% le comportement de leurs collègues ou leurs compétences (60%).
Si près d’un(e) salarié(e) sur deux (46%) n’hésite pas à partager des soucis personnels, c’est plutôt le fait des femmes (57% sont dans ce cas) que des hommes (36%). Toujours dans le domaine de l’intime, près d’un tiers des personnes interrogées (30%, à égalité entre femmes et hommes) reconnaissent apprécier les conversations portant sur les relations sentimentales et sexuelles pouvant exister entre collègues.
Enquête réalisée du 20 au 31 octobre 2023 par l’IFOP pour Compte Pro auprès d’un échantillon de 948 salariés, représentatif de la population salariée du public et du privé en France métropolitaine.